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Pub dans la cité de Lahcene Abib


Ils sont comment ? Ordinaires… Ordinaires ? Oui, ils vivent, sourient, sont tristes… marchent ; dans la ville, dans la vie, se déplacent de pas en pas, de lieu en lieu, de jour en jour. Des êtres de passage, éphémères, habités par le flou parfois, qui disperse les pensées, les regards des autres et leurs propres regards. Qui les laisse dans leurs songes, passants peu communicants. Des citadins au quotidien, des hommes, des femmes, avec leur légèreté, leur lourdeur, leurs envies souvent muselées, leurs préoccupations suivies à la trace. Des entrevues de bonheur aussi bien sûr. Mais des citadins mortels, soumis éternellement à la gravitation matérielle pour un temps toujours compté. Des bouts de fatigue en devenir.
Et eux ? Eux, non. C’est pas pareil. Tout est net chez eux, pour eux. Des géants accomplis. Posés, l’immobilité parfaite. Pas d’agitation, de vibration inutile. La vie leur appartient et les fait grandir. Et puis vous avez vu ? Cette beauté omniprésente, cette mise en valeur de soi, l’incarnation du bonheur d’être par le biais d’être vu. Ils flottent avec hauteur. Dans un monde où le corps une fois modelé peut être oublié. Seule compte l’érotisation qu’ils en font, le luxe qui l’englobe, la perfection de l’attitude. Ils sont le désincarné d’un idéal de société, des mythes proposés, des portraits tout faits, livrés image en main aux passants. Ils sont devant leurs yeux, autour d’eux, en eux, gagnent neurone par neurone une place dans leur cerveau, squattent leurs aspiration, leur univers onirique, les poussent dans le dos malgré eux. Géants vivant à la colle dans notre société, ils prennent par la main les passants pour limiter leurs excès de pensée :
Petits hommes jouets des images. Regarde-nous lui disent les géants, regarde-nous et rejoins-nous. Encore un effort, vis, achète, gagne, dépense, fais les bons choix de vie, encore, encore… change ton image, tu changeras ton être. D’être tu passeras à bien-être.
C’est cette confrontation du passant et de l’image publicitaire que cherche à cerner Lahcène Abib dans son travail. Des photographies au sens profondément symbolique qui constituent une prise de recul vis-à-vis de notre société, de ses éléments de culture, qui pointent la place de l’homme et met en évidence sa fragilité dans la grande ville et dans sa nature profonde.

Jean-Louis Bec

Photojournaliste autodidacte, vit et travaille à Paris, il débute dans la photographie un peu par hasard, à la suite d’une rencontre avec un photographe. C’est en novembre 1989, après un premier reportage sur la chute du Mur de Berlin, que Lahcène Abib commence vraiment sa carrière de photographe. Il trouve dans photographie le moyen adéquat qui lui permet d’aller à la rencontre des gens et de rendre compte des événements. Après une collaboration de huit ans avec une agence de presse, il exerce en indépendant et se consacre à des sujets de société, interrogeant le fait religieux musulman et l’identité musulmane en France, la consommation, l’environnement. Il travaille actuellement sur l’Algérie et s’intéresse à la résonnance du Printemps arabe dans ce pays.

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