© Olivier Cablat

2e EDITION DE LA BIP : "LA VILLE GENERIQUE"

La ville générique «La ville contemporaine est-elle, comme l’aéroport contemporain, « toujours pareille »? Cette convergence, peut-on la théoriser? Et dans l’affirmative, vers quelle configuration tendrait-elle? Celle-ci n’est possible qu’à condition d’évacuer la notion d’identité, ce qui est généralement perçu comme une perte. Étant donné l’ampleur de ce phénomène, il a forcément une signification. Quels sont les inconvénients de l’identité et, à l’inverse, les avantages de l’impersonnalité? Et si cette homogénéisation apparemment fortuite (et habituellement déplorée) venait d’une intention, de l’abandon délibéré de la différence au profit de la similarité? Peut-être assistons- nous à un mouvement de libération mondial: « À bas le singulier! Et que reste-t-il, une fois éliminée l’identité? Le générique ?»1

Il y a des milliers d’années, lorsque des êtres humains construisent la première agglomération urbaine en Asie mineure, se doutent-ils qu’à des milliers de kilomètres, sous d’autres cieux, d’autres êtres humains accomplissent probablement et quasiment au même moment le même acte ? Avaient-ils les mêmes préoccupations sans savoir ce que les uns et les autres fabriquaient ? Utilisaient-ils de la pierre ou du bois pour construire leur demeure ? De quels réseaux de communication usaient-ils? La structure urbaine collective empruntait-elle les mêmes logiques d’organisation ? A la différence d’aujourd’hui où les architectes et les urbanistes travaillent à construire la ville d’aujourd’hui et de demain sans se poser particulièrement la question de l’appartenance territoriale - et à peine celle du contexte – l’habitant des villes devient peu à peu l’habitant universel, contraint aux mêmes problématiques dans n’importe quelle ville qu’il soit sur terre. La Biennale Images et Patrimoine s’attache à chaque édition à disséquer ce qu’est la ville, à travers sa contemporanéité et son histoire. Cette édition de la BIP se plaira à rendre visible ce que l’on peut entendre dans l’idée de « ville générique ». Pur concept polémique élaboré par Rem Koolhaas, ou réalité à l’œuvre ? La ville générique est-elle cette ville dans laquelle nous vivons déjà... ou dans laquelle nous vivrons demain ? Qu’est devenu la ville que nous avons connue, s’est-elle effacée au profit d’une autre ? Si nous peuplons la ville générique, sommes nous aussi des être humains génériques ? Et que faire alors de l’identité locale ? Doit-on chercher à la conserver ou au contraire veiller à la faire disparaître ?

« L’identité est comme un piège où des souris toujours plus nombreuses doivent se partager le même appât - encore qu’à y regarder de près, on pourrait bien s’apercevoir qu’il est vide depuis des siècles. Plus forte est l’identité, plus elle emprisonne, plus elle résiste à l’expansion, à l’interprétation, au renouveau, à la contradiction. Elle ressemble à un phare: fixé, surdéterminé, il ne peut ni changer d’emplacement ni modifier le signal qu’il émet sans risquer de déstabiliser la navigation. (Paris ne peut devenir que plus parisien - d’ores et déjà, il est en passe de devenir un hyper-Paris, raffiné jusqu’à la caricature. Il y a des exceptions: Londres - dont la seule identité est de ne pas avoir d’identité clairement définie - est de moins en moins Londres, plus ouvert et moins statique.) » 2

Patrice LOUBON. Directeur de la Biennale Images et Patrimoine Notes 1 & 2: Rem Koolhaas, 1994- Traduit par Catherine Collet